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La guerre au Soudan fait tripler les cas de cécité, plus de 30% de la population désormais touchée

La guerre au Soudan fait tripler les cas de cécité.
La guerre au Soudan fait tripler les cas de cécité.

KHAROUTM, 3 Novembre (KUNA) –- La guerre qui ravage le Soudan a provoqué une flambée sans précédent des cas de cécité, paralysant les hôpitaux, interrompant les campagnes de soins et privant des milliers de personnes d’un traitement salvateur. Des estimations locales ont désormais mis en garde contre une hausse dramatique du taux de cécité, passé d’environ de 10% à 30%, en une courte période.

Le directeur du Programme national d’ophtalmologie au ministère soudanais de la Santé, Atif Mohamed Omar, a affirmé, à l’Agence de presse du Koweït (KUNA), que la situation est alarmante, même en l’absence des données précises, ajoutant que « le système est affaibli, mais pas perdu. Avec un soutien ciblé, l’infrastructure ophtalmologique peut se redresser ».

« Le ministère a mis en place un plan d’urgence pour garantir les médicaments essentiels et maintenir une coordination minimale avec les organisations privées comme la Fondation Al-Bassar, à condition que cela ne se fasse pas au détriment des hôpitaux publics », a-t-il ajouté.

De son côté, le directeur de l’hôpital Makkah d’Omdourman et représentant de la Fondation Al-Bassar à Khartoum, Amir Abouqoroun, a expliqué que leurs données de terrain a montré une explosion des cas de cécité, désormais estimés à 30%, durant les deux dernières années, « à cause de l’arrêt quasi total des soins, la fuite des médecins, le manque de médicaments et le déplacement massif des populations ».

Les enquêtes menées par la Fondation Al-Bassar ont confirmé la montée des cas de cécité évitables, a, pour sa part, souligné le directeur des programmes et partenariats au Fonds koweïtien d’aide aux malades, Mohamed Ali Hajo, regrettant que « ces chiffres représentent des milliers de vies plongées dans l’obscurité, alors que des interventions simples auraient pu sauver leur vue ».

Il a ajouté que le fonds a récemment réalisé plus de 1.000 opérations de la cataracte dans quatre États, néanmoins les besoins dépassent largement les capacités.

Selon des statistiques médicales, il s’agit de la cataracte, le glaucome et la pauvreté quant aux causes de la cécité. La cataracte demeure la première cause de cécité au Soudan, responsable d’environ 70% des cas, suivie des maladies de la rétine liées au diabète et du glaucome. S’y ajoutent des affections évitables comme le trachome, infection bactérienne longtemps associée à la pauvreté, ainsi que des troubles non corrigés chez les enfants.

Avant même le conflit, la situation était déjà critique, avec un système de santé en ruine. Selon l’IAPB Vision Atlas 2020, près de 3 millions de Soudanais souffraient déjà de déficience visuelle, dont 210 mille aveugles, plaçant le pays parmi les plus touchés du continent africain.

Le système reposait largement sur l’aide internationale. Quasiment 56% des opérations de la cataracte étaient assurées par des organisations non-gouvernementales (ONG), contre 36% par le secteur public et 8% seulement par le privé.

Aujourd’hui, 70% des hôpitaux sont hors service, et près de la moitié des cliniques de soins primaires ne fonctionnent plus, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Les principaux établissements spécialisés, comme l’Hôpital ophtalmologique de Khartoum et plusieurs centres à Omdourman, Wad Madani ou Al-Hasahisa, ont cessé leurs activités ou ne fonctionnent qu’à capacité minimale.

« Vingt centres distribuaient gratuitement des traitements contre le glaucome. Ils sont désormais fermés, ce qui menace directement la vision de milliers de patients », a mis en garde Atif Omar.

Alors que’Abouqoroun a rapporté que 60% des équipements et infrastructures de la Fondation Makkah ont été perdus, à cause des bombardements et des pillages. Sur les dix hôpitaux qu’elle gérait, cinq ont été totalement détruits, dont le centre de référence de Khartoum.

Pourtant, a-t-il ajouté, en septembre 2024, les équipes ont réussi à relancer partiellement l’hôpital d’Omdourman, offrant déjà leurs services à 89 mille patients, dont 10 mille ont bénéficié d’opérations et 28 mille d’examens de diagnostic.

En outre, l’expert en action humanitaire, Madani Abbas a regretté que la cécité au Soudan dépasse, désormais, le cadre médical, ajoutant qu’il s’agit d’une véritable crise de développement : Chaque personne qui perd la vue, perd aussi ses moyens de subsistance, et souvent, toute sa dignité ». (Fin) (M.M.) (A.A.)