KHARTOUM, 20 Août (KUNA) -- Assiégée depuis plusieurs mois et soumise à des bombardements incessants, la ville soudanaise d’El Fasher, dernier bastion de l’armée au Darfour, traverse aujourd’hui l’une des plus graves crises humanitaires de son histoire récente. Plus de 300000 civils, piégés à l’intérieur de la ville, font face à la faim, à la maladie et à un risque croissant de famine généralisée.
Depuis avril 2024, les Forces de soutien rapide (FSR) imposent un siège strict sur El Fasher. Toutes les routes d’approvisionnement ont été coupées, empêchant l’entrée de nourriture, de médicaments et de carburant.
La situation a atteint un point critique en juin, lorsqu’un convoi humanitaire de 15 camions transportant des vivres et des médicaments a été délibérément incendié après avoir été ciblé par un drone dans la région d’Al-Koma, au Darfour-Nord. Les deux camps belligérants s’en sont rejeté la responsabilité, mais le résultat a été catastrophique pour la population civile.
En décembre dernier, le Système intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) avait déjà averti du risque d’une famine imminente dans les camps de Zamzam et d’Abu Shouk, au Darfour, avec la possibilité qu’elle s’étende à El Fasher d’ici mai 2025. Aujourd’hui, la ville a officiellement basculé dans la phase de famine sévère (niveau 5 sur l’échelle onusienne), signifiant que la famine n’est plus une menace hypothétique, mais une réalité quotidienne.
Un responsable local de la santé a confirmé que 63 personnes, en majorité des femmes et des enfants, sont mortes de malnutrition dans une semaine. Le Réseau des médecins soudanais fait état, pour sa part, de 239 décès d’enfants liés à la faim au cours du premier semestre 2025, avertissant que de nombreux cas mortels ne sont même pas recensés dans les hôpitaux.
Selon les Nations Unies, 40 % des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition, dont 11 % dans un état critique, alors que la responsable de communication du Programme alimentaire mondial (PAM) au Soudan, Leni Kinsley, a décrit la situation comme « extrêmement désastreuse », rappelant que les habitants n’ont reçu aucune aide régulière depuis plus d’un an. Kinsley a indiqué dans une déclaration à l’Agence de presse de Koweït (KUNA) que certaines familles sont réduites à consommer des aliments pour animaux, soulignant qu’il s’agit d’une « crise provoquée par l’homme » dont la seule issue durable passe par un cessez-le-feu.
Les rares initiatives locales d’entraide s’épuisent. Le Comité de coordination des résistants d’El Fasher a dû suspendre les cuisines collectives et la réception des dons, tandis qu’une grande cuisine gratuite de la ville a fermé faute de vivres.
Le porte-parole de la Coordination générale pour les déplacés et réfugiés au Soudan, Adam Rijal, décrit à (KUNA) une population condamnée à une « mort lente », privée des produits de base et contrainte de payer cinq fois le prix normal pour des denrées de contrebande.
« Ceux qui ne sont pas morts des bombardements mourront de faim », résume amèrement Hamid Haroun, journaliste local. Selon lui, les agences humanitaires des Nations Unies représentent le dernier espoir des habitants, mais leurs opérations dépendent de l’aval des parties au conflit. La saison des pluies, qui a transformé les routes en bourbiers impraticables, complique encore davantage la tâche.
Face à cet étau, Haroun, lors d’un entretien avec (KUNA), estime que la seule solution réaliste reste le largage aérien de l’aide humanitaire, à l’image de ce qui a été fait à Gaza. (Fin) (M.A.) (Kh.J.)