TÉHÉRAN, 11 juin (KUNA) – Alors que l’Iran réaffirme son droit à l’enrichissement de l’uranium sur son sol et que les États-Unis s’y opposent fermement, les négociations indirectes entre les deux pays entrent dans une phase particulièrement sensible et décisive.
Une proposition américaine transmise en début de semaine, dont les détails n’ont pas encore été révélés, a été accueillie par Téhéran avec prudence. Tout en réitérant son refus catégorique de renoncer à l’enrichissement, l’Iran se dit toutefois disposé à examiner toute initiative garantissant ce droit.
Selon des analystes iraniens, l’offre américaine semble ignorer les intérêts stratégiques de Téhéran, ce qui réduit considérablement ses chances d’aboutir. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Ismail Baghaei, a ainsi déclaré que son pays rejetait toute « proposition extrême ou irréaliste qui méconnaît les droits du peuple iranien et ses intérêts fondamentaux ».
Il devient de plus en plus évident qu’un compromis nécessitera un geste fort, voire une concession difficile, de la part de l’une ou l’autre partie, voire des deux, pour éviter l’échec des pourparlers et ouvrir la voie à un nouvel accord.
L’Iran devrait répondre prochainement à la proposition américaine, et il est probable qu’il opte pour une posture nuancée, c’est à dire ni acceptation claire, ni rejet formel, afin de maintenir la possibilité de futures négociations et marchandages.
Cette stratégie semble confirmée par les déclarations du ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Aragchi, lors d’une visite au Caire. Il a souligné qu’ « il ne faut pas s’attendre à un accord après seulement cinq rounds de discussions. Les divergences sont nombreuses, mais cela ne signifie pas qu’un accord soit hors de portée ».
Dans un message publié sur la plateforme (X), Aragchi a affirmé qu’« Il n’y aura pas d’accord sans enrichissement ».
De son côté, le guide suprême Ali Khamenei a réitéré l’attachement de l’Iran à ses activités d’enrichissement, les qualifiant de « clé » du dossier nucléaire, en insistant sur leur caractère non négociable.
L’expert iranien en affaires stratégiques, Sabah Zanganeh a confirmé à l’Agence de presse du Koweït (KUNA) que « l’Iran n’acceptera aucune proposition ne garantissant pas ses intérêts».
Il a également mis en garde contre une approche centrée exclusivement sur la question nucléaire sans considération pour les revendications iraniennes, ce qui, selon lui, revient à imposer une solution unilatérale et inacceptable pour Téhéran.
Zanganeh, ancien représentant de l’Iran auprès de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), a rejeté l’idée d’une solution unique, soulignant qu’« il existe plusieurs options, et les négociateurs américains doivent renoncer à toute formule qui interdirait à l’Iran l’enrichissement, même au niveau le plus bas».
Il a laissé entendre qu’un accord-cadre entre Téhéran et Washington pourrait être envisagé, repoussant les questions techniques à des discussions ultérieures. Une démarche qui, selon lui, serait « réaliste et praticable ».
Par ailleurs, Téhéran se dit favorable à la création d’un consortium régional pour l’enrichissement, à condition que ces activités se déroulent sur son territoire. Mais Zanganeh a aussi averti que, si les négociations échouaient, « l’Iran n’a pas l’intention d’escalader la situation, mais la réaction des États-Unis, qu’il s’agisse de sanctions ou de menaces militaires, sera déterminante ».
Il a conclu que « l’Iran refuse toute suspension de l’enrichissement, quelles qu’en soient les conséquences, et ne considère pas la levée des sanctions comme une contrepartie acceptable à l’arrêt de ses activités nucléaires ».
Pour sa part, le journaliste iranien Seyed Saleh Qazwini a estimé dans une déclaration à (KUNA) que le dernier discours du guide suprême a renforcé la position de la délégation iranienne, la rendant plus ferme face à la partie américaine. Il a souligné que pour l’Iran, l’enrichissement reste une priorité stratégique non négociable. « Les États-Unis en sont conscients, mais espèrent obtenir d’autres concessions », a-t-il analysé.
Selon lui, la pression exercée par Washington, en demandant l’arrêt de l’enrichissement, vise à influencer psychologiquement les négociateurs iraniens, voire à satisfaire les partisans d’une ligne dure aux États-Unis et en Israël.
Qazwini estime cependant que l’Iran ne rejettera pas catégoriquement l’offre, préférant conserver une marge de négociation, bien que de nombreuses zones d’ombre subsistent dans la proposition américaine.
Il a averti que l’échec des négociations risquerait d’entraîner une escalade régionale, tout en jugeant improbable un recours à la force par les États-Unis ou Israël, cette option étant en contradiction avec la politique économique actuelle du président américain Trump.
À défaut, il est probable que les États-Unis reviennent à leur stratégie de pression maximale via des sanctions.
Qazwini a également souligné que l’Iran ne restera pas passif face à un renforcement des sanctions. Il estime que Téhéran a su s’adapter aux pressions économiques précédentes et bénéficie aujourd’hui d’un réseau d’alliances régionales, en plus de ses relations stratégiques avec la Russie et la Chine.
Par ailleurs, Trump a récemment déclaré sur sa plateforme « TruthSocial » qu’aucun accord ne devrait permettre à l’Iran d’enrichir de l’uranium.
De son côté, la porte-parole de la Maison-Blanche, Caroline Leavitt, a mis en garde Téhéran contre de « graves conséquences » s’il rejetait l’offre transmise par l’émissaire américain Steve Witkoff.
Le ministre iranien Abbas Aragchi a confirmé que son pays avait reçu la proposition par l’intermédiaire du médiateur omanais et qu’il y répondrait en se fondant sur « ses principes, ses intérêts nationaux et les droits de son peuple ».
À ce jour, l’Iran et les États-Unis ont mené cinq rounds de négociations indirectes sur le dossier nucléaire, sous l’égide d’Oman, en présence d’Aragchi et de Steve Witkoff. (FIN) (M.W.) (Kh.J.)